Marco Poloni

1962, Italien et Suisse, né à Amsterdam, Pays-Bas
Nominé·e - Prix Elysée 2015

Artiste, réalisateur et photographe italien et suisse né à Amsterdam en 1962, Marco Poloni a vécu et travaillé partout dans le monde, de Rome à New York, de Chicago à Genève. Il partage aujourd’hui sa vie entre Berlin et Lausanne, où il enseigne la photographie à l’ECAL (Ecole cantonale d’art). Son travail dépasse l’image photographique, explorant la relation de celle-ci au texte, au film et à l’installation artistique. Ses dernières séries s’intéressent plus particulièrement à l’émergence de sujets rendus invisibles par des dispositifs d’enfermement social ou qui ont choisi d’échapper à toute implication sociale afin de tenter de tracer de nouvelles voies. Poloni a reçu le Prix suisse d’art trois fois, en 1997, 2000 et 2001, et il fut l’un des artistes à représenter la Suisse à la Biennale de Venise en 2005.

Projet

The Pistol of Monika Ertl

Marco Poloni présente une histoire de meurtre international: à partir de la figure de l’éditeur italien Feltrinelli, ses photographies racontent l’assassinat à Hambourg du chef de la police bolivienne qui avait  exécuté Che Guevara. Poloni explore la galaxie insurrectionnelle des années 60 et 70, la complexité et l’opacité de son réseau international.

« Pour le Prix Elysée, j’ai présenté un projet sur lequel je travaille actuellement. Il s’agit d’une « étude de cas » qui fait partie d’un ensemble de travaux que je vais développer dans les années à venir.

Toutes les études de cas de cette constellation se déploient à partir de la figure complexe de Giangiacomo Feltrinelli. Millionnaire et révolutionnaire, Feltrinelli a créé la maison d’édition qui porte son nom et œuvré dans la zone méditerranéenne au sein des mouvements anti-impérialistes dans les années 60 et 70 sous le nom de bataille de camarade Osvaldo. Mon travail n’est pas une biographie de cet homme charismatique et complexe. Il s’agit d’examiner, au travers de certains aspects méconnus de sa vie et de son travail, un certain nombre d’idées politiques et sociales radicales des années 60 et 70, et d’explorer la galaxie insurrectionnelle de cette période historique.

L’étude que je présente est, pour ainsi dire, une histoire de meurtre international. Cette constellation de photographies raconte l’assassinat en 1971 de Roberto Quintanilla, le Consul général de Bolivie à Hambourg par une Allemande, Monika Ertl. Lorsqu’il était chef de la police secrète bolivienne, Quintanilla avait capturé Che Guevara dans la jungle bolivienne en octobre 1967 et avait ordonné son exécution sommaire. Pour la guérilla, Quintanilla devait être éliminé. Monika Ertl était la fille préférée d’un caméraman et photographe, Hans Ertl, qui fut le directeur de la photographie du documentaire controversé réalisé par Leni Riefenstahl en 1938, Olympia, sur les Jeux Olympiques de 1936 à Berlin. Ertl s’était installé avec sa famille en Bolivie après la fin de la guerre. Monika rejoignit les rangs de l’Armée de libération nationale de Bolivie et suivit une formation militaire au Chili et à Cuba. Le revolver qu’elle utilisa pour tirer sur Quintanilla lors de sa mission à Hambourg lui avait été donné par Feltrinelli.

Le projet cherche à montrer le complexe réseau de relations internationales entre les acteurs clandestins du mouvement d’insurrection international entre les années 60 et 70. Ce travail prend la forme d’une installation conçue comme une réflexion sur les connexions libres au sein de la galaxie révolutionnaire de cette période et sur notre connaissance fragmentaire de celle-ci, ainsi que sur la structure de la mémoire en général. Les éléments de ce travail sont des nœuds visuels entre lesquels s’étire un réseau informel. Plutôt que composée comme une chaîne indexée, cette constellation d’images et de textes forme un récit poreux au sein duquel toute signification est produite par la disposition spatiale de groupes d’images. »